Les outils d’intelligence artificielle (IA) s’invitent de plus en plus dans les carnets des auteurs et autrices. En quelques clics, ces assistants numériques génèrent des idées, proposent des tournures de phrases ou corrigent un paragraphe. Un gain de temps qui a de quoi séduire les écrivains en herbe comme les plumes confirmées… mais qui soulève aussi quelques questions. Peut-on s’appuyer sur ces technologies pour rédiger une nouvelle ou un roman destiné à un concours littéraire ? L’usage de l’IA est-il toléré par les organisateurs ? Et surtout, est-ce une bonne idée de confier sa création à un algorithme ? En réalité, il existe des manières pertinentes d’utiliser l’IA… tant qu’elle reste à sa place.
L’IA, une révolution qui bouscule les codes de la création littéraire
Depuis l’arrivée de modèles d’IA comme ChatGPT, Claude ou Gemini, l’IA s’invite dans notre vie quotidienne… et dans les pratiques d’écriture. Si de nombreux écrivains sont encore réticents à les utiliser, ces outils sont pourtant capables de produire des textes cohérents, de répondre à une consigne narrative, voire de générer un poème ou une description de roman. De quoi fasciner, inquiéter ou simplement intriguer les auteurs et autrices. En 2024, une autrice chinoise a même remporté un prix littéraire avec un texte généré par une IA.
La tentation est grande, lorsqu’un programme peut aligner des phrases crédibles sur n’importe quel sujet, d’utiliser l’IA pour générer un texte destiné à un concours d’écriture. Pour autant, si l’intelligence artificielle est capable de rédiger à la place de l’humain, il ne faut pas oublier qu’elle n’a ni intention, ni émotion, ni vécu. Elle reste un robot qui s’appuie sur des milliards de données textuelles issues d’Internet pour produire une synthèse plus ou moins bien calibrée de ce qui a déjà été écrit.
En littérature, cette différence n’est pas anodine. Un texte littéraire est une voix singulière (la vôtre), un regard sur le monde, une expérience transmise sous une forme artistique. C’est ce que recherchent les jurys d’un concours d’écriture : une personnalité littéraire, pas une prose générique.
Mais il serait réducteur de rejeter en blocs les outils d’IA. Comme le traitement de texte ou les correcteurs automatiques en leur temps, l’intelligence artificielle peut accompagner votre processus d’écriture sans le dénaturer. Tout dépend de la manière dont vous l’utilisez… et de votre intention.
Que disent les règlements des concours littéraires ?
L’IA, une zone grise dans les règlements actuels
La plupart des concours d’écriture n’ont pas encore pris le virage réglementaire de l’intelligence artificielle. Les règlements stipulent généralement que les textes doivent être « originaux » et rédigés par le ou la participante. Cela exclut clairement le plagiat tout en restant flou sur l’usage d’outils numériques avancés. Or, l’IA peut produire des textes inédits en s’inspirant de contenus existants.
Dans cette zone grise, les organisateurs ont tendance à récompenser une œuvre littéraire issue d'un processus créatif humain. Certains vont plus loin et interdisent désormais tout texte généré par une IA. D’autres sont plus mesurés comme Fyctia ou Librinova. Certains prennent le chemin inverse en organisant des concours autorisant l’usage de l’intelligence artificielle (comme Edilivre ou encore Panodissey).
Détecter l’intelligence artificielle, une tâche moins complexe qu’il n’y paraît
Sur le plan technique, sauf interdiction expresse, rien ne vous empêche de soumettre un texte généré (en partie ou en totalité) par une IA, tant qu’aucun contrôle n’est mis en place. Mais des signes peuvent alerter un jury expérimenté : platitude de la narration et de la construction syntaxique, incohérences, manque d’émotion ou de voix propre. L’usage de l’IA est généralement évident à la lecture et sera souvent éliminatoire, notamment pour les concours en partenariat avec des maisons d’édition. Sans parler du fait que vous vous décrédibilisez totalement !
Il est préférable de jouer la transparence et l’éthique si vous envisagez d’utiliser l’IA. Vérifiez ce qu’autorise explicitement le règlement du concours, quitte à poser la question aux organisateurs pour éviter une disqualification d’office.
Comment utiliser l’IA sans trahir sa plume ?
S’en servir comme d’un outil, pas comme d’un auteur
L’intelligence artificielle joue un rôle d’assistant plutôt que de plume fantôme. Elle peut vous aider à :
reformuler une phrase trop lourde ;
enrichir votre vocabulaire (recherche de synonymes)
faire des recherches pour une description ;
corriger des fautes d’orthographe.
Utilisée avec discernement et parcimonie, elle devient un soutien technique, jamais un substitut. Essayez d’y recourir uniquement en cas de gros blocage, après avoir testé d’autres solutions.
On peut aussi expérimenter avec l’intelligence artificielle pour tester de nouveaux formats, lancer une idée ou simplement s’amuser. C’est une démarche totalement légitime dans un cadre personnel, ou dans des projets qui ne visent pas à récompenser une plume. L’IA devient alors un terrain de jeu, une source d’exploration, un moyen de se décoincer ou de s’étonner.
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En revanche, n’utilisez pas l’IA pour rédiger le manuscrit en entier (ça paraît évident !), rédiger ou reformuler des passages entiers, construire une intrigue ou un plan, élaborer des fiches personnages… Tout le travail de création doit provenir de votre cerveau, pas d’un robot. Un concours d’écriture reste un espace à part qui met en lumière un style, une voix, une maîtrise narrative. Il récompense l’inventivité et le travail d’écriture, pas la maîtrise d’un logiciel.
Garder le contrôle sur le style et le sens
Même lorsqu’elle produit un texte qui semble correct, l’IA reste tributaire de ce qu’elle a appris. Elle ne comprend ni l’ironie ni les jeux de langage, ni les silences qui font parfois la force d’un texte littéraire. Elle excelle dans les phrases lisses et normées, mais a bien du mal à proposer une écriture singulière.
Si vous vous en remettez trop à l’outil, vous risquez de perdre cette patte unique que recherchent les jurys. En utilisant l’IA sans recul ni esprit critique, vous risquez d’uniformiser votre plume. Pour éviter ça, relisez chaque proposition, réécrivez, apportez vos nuances, vos hésitations, votre rythme. En un mot : réappropriez-vous le texte.
L’IA, aussi perfectionnée soit-elle, ne sait pas douter, espérer, aimer ou perdre. Elle ne sait pas écrire entre les lignes et, dans un concours d’écriture, ce sont ces failles, ces fulgurances, ce supplément d’âme qui font toute la différence.
L’intelligence artificielle peut être une alliée précieuse pour soutenir le processus d’écriture, mais elle ne remplacera jamais votre sensibilité, votre intuition et votre créativité d’auteur ou d’autrice. Dans le cadre d’un concours, mieux vaut s’en tenir à une utilisation ponctuelle, en coulisses, pour ne pas dénaturer le cœur même de l’exercice : l’expression d’une voix singulière. En misant sur votre authenticité, vous donnez à votre texte une chance de résonner durablement. Et c’est bien là l’essentiel !